Témoignage : le déni des proches
LE DÉNI : LE QUOTIDIEN DE MA VIE...
C’était il y a presque 15 ans. Ma famille a dû intégrer un nouveau mot dans son vocabulaire : syndrome de Marfan. Bizarre ce mot ; mais c’est quoi cette chose qui prend de plus en plus de place dans nos conversations ?
Il a fallu d’abord comprendre, ensuite assimiler, puis évacuer toute la colère : pourquoi nous ? Ma mère ? Ma sœur ? Moi ? Ma fille ? Qu'avons-nous fait pour mériter cela ? C’est injuste, comme pour nous tous, mais c’est comme cela, il faut vivre avec ! Oui, mais les autres ? On en revient toujours à la même chose, il faut expliquer à l’entourage, il faut qu’ils comprennent et puis une fois opérée, je suis guérie non ? Pourquoi tu continues à en parler ? Ce n’est rien du tout ! Tu marches ! Tu parles ! Et au fait pourquoi tu ne travailles pas ? Ta sœur a la même chose et elle, elle travaille ! Bizarre, non ?
Voilà l’histoire de ma famille, celle d’une famille quasi totalement dans le déni, avec :
• une maman, courageuse, battante, inquiète pour l’avenir de ses filles malades et qui est décédée des suites des complications aortiques du syndrome de Marfan.
• une sœur dans le déni que j’appellerais « partiel », qui, depuis son opération de l’aorte ne prend plus aucun traitement car elle est persuadée que l’opération lui a permis de guérir. Elle s’est convaincue également que son enfant en bas âge n’est pas atteint (ce que je souhaite de tout cœur bien entendu). Elle s’arrange pour édulcorer la réalité, et dès que j’aborde le sujet à son intention, elle refuse le dialogue et me dit qu’elle n’en a pas besoin, que ce n’est pas nécessaire, qu’elle va bien… Et pourtant, je lui rappelle qu’un suivi annuel cardiologique est indispensable.
En revanche, quand on parle de mon cas ou de celui de ma fille, là le dialogue est ouvert. Elle me dit qu’il faut que je fasse les choses correctement, que je n’ai vraiment pas de chance, que j’ai raison de mettre en place tout ce qu'il faut pour notre bien-être… Cela est compliqué à gérer car j’ai envie de la mettre dans la voiture et de l’emmener moi-même faire "les choses correctement" afin de m’assurer qu’elle va vraiment bien, et j’irais jusqu’à dire que je suis rarement d’accord avec ses choix professionnels, car elle ne se préserve absolument pas.
Eh oui, je dois le dire : j’ai peur pour elle, mais, je me suis fait une raison récemment, je ne peux pas aller à son encontre. J’ai fait et dit tout ce que je pouvais lui dire et continuerai autant de temps que nécessaire, mais je ne peux pas choisir à sa place.
• un frère non atteint, a priori, dans un déni total, qui refuse de voir la réalité car cela doit être insoutenable pour lui d’avoir perdu sa mère, d’avoir deux sœurs malades et sa nièce si jeune, atteinte d’une maladie génétique rare. Alors « arrêtez d’y penser et continuez à vivre comme si de rien n’était, de toute façon ça ne se voit pas » voilà ce qu’il pense et nous fait comprendre.
Avec lui c’est simple aucun dialogue possible. Quand nous sommes hospitalisées il est très inquiet, nous appelle fréquemment, mais est dans l’incapacité totale de venir nous voir, sinon il perd connaissance. En revanche une fois remis d’une épreuve, on ne peut plus aborder le sujet, « c’est bon, c’est passé ! Et puis ce n’est peut-être pas si lié à la maladie que cela ! Ils en ont pas marre de vous faire passer des examens ? ».
J’ai beau lui expliquer que je ne veux pas qu’il nous plaigne, juste qu’il tienne compte de notre état mais il n’y arrive pas. J’en suis à un stade d’incompréhension totale où je refuse qu’il garde ma fille, qui a des besoins particuliers. J’ai déjà fait l’expérience et cela s’est mal passé, car il n’a pas pris en compte mes recommandations. Je l’aime énormément et je ne lui en veux pas car la vie n’a pas été simple pour lui non plus.
La famille au sens plus large est totalement hétérogène sur le sujet, certains nous emballeraient dans du papier bulle et nous interdiraient de bouger malgré les protections.
Quant aux autres, leurs remarques, regards... sont parfois difficiles à accepter. Je vous fais une rapide liste où vous vous retrouverez très probablement si vous avez vécu une situation similaire : « au fait tu as trouvé du travail ? » alors que chacun sait au sein de notre famille, que dans mon cas c’est impossible depuis longtemps et c’est encore d’actualité, ou, « ah, tu t’es faite opérer du cœur ? Maintenant tu es guérie c’est chouette ça !».
Pour ma part j’ai décidé de faire le tri dans ma vie privée. Quand tu essaies d’expliquer, de réexpliquer sans cesse, à maintes et maintes reprises, à des personnes qui n’arrivent pas ou ne veulent pas comprendre, au bout d’un moment c’est fatigant. Je décide de ne plus rien dire sur le sujet, voire même de couper totalement les liens avec ces personnes, si cela est vraiment devenu nuisible à notre quotidien.
Et puis, enfin, il y a moi. La plus jeune de la fratrie, atteinte du syndrome, opérée, qui se bat contre des moulins à vent mais qui n’arrêtera pas car j’aime trop la vie malgré les épreuves. Mon mari et ma fille ont besoin de tout mon amour et de mon aide pour surmonter les difficultés de cette maladie invisible, incomprise par beaucoup et qui est au quotidien dans notre vie.
Je dirais que le déni est vraiment compréhensible tant la maladie est complexe, rare et sournoise, mais si je devais donner un conseil, il vaut mieux ouvrir les yeux et affronter la réalité plutôt que de se voiler la face car les conséquences seront sûrement moins graves si les choses sont prises à temps, que si l’on fait comme si de rien n’était.
D’écrire ce témoignage m’a fait beaucoup de bien, et j’espère qu’il vous aura aidés d’une quelconque manière.
Delphine (83)
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